C’est le texte littéraire picard le plus ancien datant du IXe siècle. Il a été découvert à l’abbaye Saint-Amand en 1837 par Hoffmann Von Fallersleben. La transcription a été effectuée en 882. Le document est conservé à la bibliothèque de Valenciennes.
La Cantilène (poême chanté) raconte comment, au cours de la persécution des Chrétiens ordonnée dans tout l’empire romain par Dioclétien, une jeune fille de treize ans appartenant à une riche famille de Mérida, refusa de renier sa foi. C’était aller au-devant du martyre qu’Eulalie subit avec un courage exemplaire. Au moment où Eulalie expira, on vit une colombe blanche sortir de la bouche de celle-ci et s’élever vers le ciel. C’est par cette image, suivie d’une prière, que s’achève le texte de la Cantilène.
Le Texte original
Buona pulcella fut Eulalia.
Bel avret corps, bellezour anima.
Voldrent la veintre li D e o inimi,
Voldrent la faire diaule servir
Elle no’nt eskoltet les mals conselliers
Qu’elle D e o raneiet, chi maent sus en ciel,
Ne por or ned argent ne paramenz
Por manatce regiel ne preiement.
Niule cose non la pouret omq ue pleier
La polle sempre n on amast lo D e o menestier.
E por o fut p re sentede Maximiien,
Chi rex eret a cels dis soure pagiens.
Il li enortet, dont lei nonq ue chielt,
Qued elle fuiet lo nom chr est iien.
Ell’ent adunet lo suon element :
Melz sostendreiet les empedementz
Qu’elle p er desse sa virginitét
Por os furet morte a grand honestét.
Enz enl fou lo getterent com arde tost.
Elle colpes n on avret, por o nos coist.
A czo nos voldret concreidre li rex pagiens.
Ad une spede li roveret tolir lo chieef.
La domnizelle celle kose n on contredist :
Volt lo seule lazsier, si ruovet Krist.
In figure de colomb volat a ciel.
Tuit oram que por nos degnet preier
Qued auuisset de nos Chr istu s mercit
Post la mort et a lui nos laist venir
Par souue clementia.
La Traduction
La jeune Eulalie était un modèle de perfection, elle avait un beau corps, une âme plus belle encore.
Les ennemis de Dieu voulurent la vaincre, ils voulurent la faire servir le diable.
Mais elle n’écouta pas les mauvais conseillers qui l’engageaient à renier Dieu dont le séjour est dans les cieux.
Ni l’or, ni l’argent, ni les parures, ni les menaces du roi, ni les prières, rien ne peut amener la noble enfant à cesser d’aimer le service de Dieu.
On la conduisit donc devant Maximien qui régnait en ce temps-là sur les païens.
Il l’exhorte, en vain, à déserter la cause du Christ et à adorer son faux dieu : aussi endure-t-elle le supplice du feu.
Elle supporterait plutôt les supplices que de perdre la pureté de son âme.
C’est pourquoi elle subit une mort glorieuse.
On la jeta dans le feu pour la brûler promptement.
Elle n’avait commis aucun péché, c’est pourquoi elle ne se consuma pas.
Le roi païen ne voulut pas s’y résigner : il ordonna de lui trancher la tête avec une épée.
La noble fille ne s’y refusa pas, elle voulait quitter le monde et elle en supplie le Christ.
Sous la forme d’une colombe, elle s’envola au ciel.
Prions la tous, afin qu’elle daigne intercéder pour nous et que le Christ nous prenne en pitié, après la mort, et nous laisse venir à lui, dans sa miséricorde
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