Les Mariages Ch’tis sont très joyeux en règle générale ! La veille du mariage, les amis des futurs mariés claquent des pétards devant la maison des parents du futur marié. Sur la route de la mairie et de l’église, les voitures se suivent en klaxonnant. La voiture du marié traine une poupée avec une corde au cou, ou des boîtes de conserves ou encore un balai. La fête se déroule avec différentes musiques sans oublier les traditionnelles musiques ch’tis (les capenoules, Raoul, …) On se déguise, on fait des sketchs, des jeux, des chansons, des parodies…
Bref on rigole bien dans ses mariages et parfois on y trouve même l’amour.

Les Noces 59

Vous êtes invité à un mariage, ça n’ a l’air de rien, mais c’est un mariage du Nord.
Vous n’y avez jamais assisté.
Vous allez savoir ce que c’est que de faire trois réveillons en une aprés midi, et d’attrapper une cirrhose flash.
Vous arrivez sain de corps et d’esprit et vous repartez, alcoolique dépendant, à la Leffe, pour toute la vie.
Mais ce n’est pas tout, la salle de banquet est remplie de gens étranges. Pour commencer au vin d’honneur, tout le monde vous a dit bonjour, en vous appelant, biloute, mon onc’ ou gros !!
Mais quel est cet endroit où on appelle les gens par le nom de l’appareil génital masculin ? Chez vous personne ne dit :

– Ca va verge ?
– Oui et toi phallus ?
Ou pire encore.

Vous vous apercevez, avec surprise, que les gens qui distribuent les petits fours ou les coupes de bulles (chez nous on dit pas Champagne, ça fait bourgeois), ne sont pas des serveurs professionnels. C’est une dame que tout le monde appelle Ma tante, ou des enfants à qui on dit :
« Merci tiot, mais va chercher eun’ canett  à mon onc,  j’aime nin les bulles. »

Après le vin d’honneur, les mariés vont faire les photos, en optant pour le plan B. On prévoit toujours des photos à l’extérieur, dans un jardin, mais trois fois sur cinq :
« Mariage pluvieux, mariage heureux! » Alors plan B.

Pendant ce temps là, Vous croyez faire une pause, pendant ce temps là !
Ben non, tous les invités à la soirée s’agitent pour ranger le vin d’honneur et organiser la salle de banquet.
« Ah il faut donner un coup de main, il y a pas d’avance, ça va pas se faire tout seul. hein ! » qu’elle vous dit Ma tante.
« Mais je suis un invité, dit votre révolte intérieure, je devrais juste profiter et me faire servir »
Eh réveille toi, gros !
T’es dans le Nord, on travaille pas les uns sans les autres. Ici même quand on fait la fête, on travaille. C’est une question de fierté. On a assez servi pour ne pas se faire servir.

Quand arrive le repas,vous vous asseyez enfin, les cinq bières de l’apéro et les vingt voyages aux toilettes qui en ont découlé, vous ont un peu fatigué. Mais il faudra se lever, pour aller au buffet. Vous allez faire votre première farandole.
Quelques personnages commencent à apparaître ça et là. Un qui vous prend par l’épaule et qui vous chante les Capenoules à l’oreille. Celui qui ne lâche jamais son verre, des fois qui passerait à proximité de la pompe. Mon onc qui a une canette dans chaque poche parce qu’il en a marre de faire des voyages jusqu’au bar. Celle qui s’occupe des enfants de tout le monde, parce que leurs mères respectives ont déjà quelques coupes de bulles derrière elles.
Ma tante qui est derrière le buffet cette fois ci, mais ce n’est pas la même. Il y en a partout des « Ma tante ». Les mères des mariés qui s’occupent de vous comme si elles tenaient votre vie entre leur main.

La fin du repas arrive, le deuxième fût est terminé, un frisson d’angoisse parcoure quelques secondes les échines masculines. Jusqu’à ce qu’un « Mon onc » dit :
« C’est pas graff’ in’d’ a core trois et si ind’a pas assez y a des canettes ». un soupir de soulagement parcoure la salle, excepté votre vessie qui est proche de l’implosion.
D’un coup un étranger vous invite, avec douceur, dans une farandole sans queue ni tête :
« Viens par ichi ti. Te vas pas faire des m’noules avec nous ».
Vous ne vous imaginiez pas, hier encore, chanter à tue tête, la chenille, à la queue leu leu , le carnaval de Dunkerque et consort. Et bien c’est fait.
Soudain, d’un coup, brusquement une « Ma tante » que vous n’aviez pas encore vu, vous tire par la main, vous agenouille de force sur un torchon et dit :
« Fais eun  baiss à ma tante, tiot bellot, et vous héritez du torchon, vous comprenez qui faut inviter une autre ma tante.
A votre montre il est 22h00 , vous vous dites qu’au rythme où ça va, il y en a jusque minuit pas plus.
Cinq heures du matin, ma tante est toujours là, elle a pris possession de la pompe à bière, pour servir tous ces fous qui ont décidés de faire honneur aux mariés.

Vous venez de découvrir un monde gris et froid, pluvieux et triste, pleins de chômeurs alcooliques décrépis. Mais il vous restera une trace à jamais, un tatouage sur lequel est inscrit « j’ y eto ».
Vous témoignerez que le « gens du Nord » existe. C’est une peuplade du Nord est de la France. Ils sont 5 9 ou 6 2 .
Ils se font des baiss’ tout le temps. Ils disent bonjour à un chien habillé avec un capieau.
Ils sont encerclés par des Romains, les gens du Sud qui disent avec un léger mépris:
« Aprés avignon c’est déjà le Nord »
Ils répondent:
« Au sud de l’Escaut , c’est déjà des fainéants »
Ils existent les irréductibles Gens du Nord. Leur druides leur préparent la potion magique, pour lutter contre l’adversité.
Eun’ goutt’ eud’ café, un speculoos ou eun’ gauf’ à la cassonade, eun’ baiss’ à tin front ou un assis te et minge tiot, te sais pas si te mingeras d’main.
Et v’là t’es din l’Nord Mon onc’ Bienvenue, t’as qu’a rester, on fait des frites.

Zef & Co
Copyright : Manuel Roger/SACEM